23 janvier 2008

Les patients ne sont pas des marchandises comme les autres



Paris, le jeudi 17 janvier 2008 – Certains se souviennent peut-être qu’en l’an 2000 de notre ère, l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) avait conçu l’ambition de doter tous les patients qu’elle accueillait dans ses établissements d’un bracelet d’identification, comportant nom, prénom, date de naissance, numéro d’identification et un code barre.


Déjà à l’époque, le souci de la sécurité était invoqué pour justifier cette évolution. Cependant, le projet avait été massivement rejeté par les professionnels de santé, qui avaient mis en avant les nombreux enjeux éthiques soulevés par une généralisation de ces bracelets, dont l’opportune utilisation ne paraît évidente que face aux personnes totalement incapables de décliner leur identité (nourrissons, patients atteints de démence, etc.).
Sécurité
Sept ans après cette première fronde qui avait incité l’AP-HP à renoncer à son programme, l’hôpital Saint Louis semble aujourd’hui décidé à généraliser ces bracelets d’identification.


Les réticences restent cependant nombreuses et sont notamment relayées par le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), qui, entre autres, diffuse une pétition contre le recours systématique à ces bracelets. Si l’établissement justifie sa décision par un souci de sécurité et rappelle que le temps passé par chaque soignant auprès d’un même malade devrait dans l’avenir être de plus en plus réduit en raison de la « mutualisation des ressources humaines au niveau des pôles », le SNPI dénonce pour sa part un système qui tend à transformer les patients en « objet de soins ». « Lorsqu’une personne hospitalisée est capable de décliner son identité, lui demander de "s’étiqueter" revient à la nier en tant que personne » peut-on lire sous la plume de l’organisation.

« J’ai déjà un numéro d’identification tatoué »


Les arguments du SNPI sont nombreux et reposent parfois sur des expériences douloureuses, déjà observées dans le cadre de l’expérimentation du dispositif. Le syndicat remarque ainsi que le bracelet d’identité renvoie au « bracelet du prisonnier » et plus généralement à l’idée d’un « marquage ». Ainsi, une patiente aurait demandé à l’infirmière si elle était obligeait de porter un bracelet en raison de sa séropositivité.


La « chosification » des patients est également dénoncée à travers l’image renvoyée par le code barre : « Peut-on imaginer que traiter une personne hospitalisée comme un objet de consommation ne modifie pas la relation soignant /soigné ? » demande l’organisation. C’est toute la relation de confiance entre le professionnel de santé et le patient qui apparaît être remise en cause par ces bracelets d’identité selon l’organisation qui affirme également que l’infirmière elle-même est « instrumentalisée » par cette nouvelle tâche. Enfin, et n’hésitant pas à s’aventurer sur des terrains de comparaison parfois dangereux, le syndicat rapporte cette douloureuse anecdote. Une jeune infirmière qui avait choisi d’appliquer les consignes de la direction aurait un jour été confrontée à un vieil homme hospitalisé qui lui aurait répondu au moment où elle lui demandait de mettre son bracelet :


« Mademoiselle, je n’ai pas besoin de votre bracelet, j’ai déjà un numéro d’identification tatoué ».


A.H.
Copyright © http://www.jim.fr/ Publié le 17/01/2008