11 août 2008

Les médicaments ne sont pas adaptés aux personnes âgées





C’est un travail de fourmi. Tous les matins, à la pharmacie de l’hôpital gérontologique Sainte-Périne à Paris, la pharmacienne Marie-Claude Guelfi entreprend un drôle de rituel : elle enlève les blisters qui entourent les médicaments, sort les comprimés, les découpe en deux ou en quatre, puis avec une machine spéciale, remet tout sous plastique… A raison de 400 000 plaquettes par an fabriquées pour 350 lits, c’est une véritable petite industrie ! Et quand ce n’est pas fait par la pharmacie, ce sont les infirmières qui se chargent de broyer les comprimés, d’ouvrir les gélules… pour reconditionner tous les médicaments impossibles à administrer en l’état aux patients âgés.

« Au moins un quart des médicaments doivent être coupés »Trop fortement dosées ou trop gros, les gélules et autres comprimés conduisent en effet à des accidents graves dits « iatrogènes » : des fausses routes et des accidents vasculaires cérébraux chez ces patients souvent handicapés par des troubles de la déglutition ou des syndromes confusionnels. Liés à une mauvaise absorption des médicaments, ces problèmes sont deux fois plus fréquents chez les plus de 65 ans que chez les autres patients.


« On galère, soupire Marie-Claude Guelfi. Couper un comprimé en deux, ça passe, mais en quatre, ça devient compliqué ! Certains sont friables… Et puis ça nous donne un boulot fou : au moins un quart des médicaments doivent être coupés. » Sans parler du mortier, tant utilisé par les infirmières qu’elles en ont des pathologies au poignet ! « Elles pulvérisent tout ça là-dedans, souvent tous les médicaments en même temps, et incorporent aux soupes et aux yaourts… qui ne sont pas finis. Les doses ne sont donc pas totalement absorbées. Bref, on perd en efficacité », déplore-t-elle.

Ces pratiques soulèvent beaucoup de questions, tant au niveau de l’administration des médicaments, de leur conditionnement ou de l’adaptation des posologies. Un tel système, pour le moins artisanal, peut-il continuer à exister sans un guide des bonnes pratiques professionnelles ? Le comprimé était-il vraiment sécable avec la même dose de chaque côté ? Récemment évoquées à l’Académie de médecine, ces questions font l’objet d’une étude en cours à la faculté de Paris-V. Le but ? Que l’industrie pharmaceutique prenne davantage en compte les besoins spécifiques de cette population âgée, celle qui consomme le plus de médicaments, en commercialisant des dosages plus adaptés à leurs besoins. Comprimés dispersibles dans l’eau, patchs, conditionnement à l’unité permettant d’avoir le nom du médicament sur chaque cachet… Autant de solutions qui permettraient d’éviter 60 % des accidents.


Le Parisien
le 09.08.2008